En arrivant dans un établissement médico-social, couramment appelé home, nombreuses sont les personnes à sortir de leurs routines quotidiennes. Il n’est pas rare non plus que la visite annuelle chez le médecin-dentiste passe à la trappe. Si les gens ne viennent plus au cabinet, s’est dit Peer Boger, pourquoi ne pas aller à leur rencontre ? Et voilà déjà une dizaine d’années qu’il a emballuchonné ses instruments pour la première fois pour se rendre dans un home proche de son cabinet à Küssnacht am Rigi. Depuis, il planifie deux jours fixes par an pour effectuer des contrôles sur place. Les résidents peuvent s’inscrire sur une base volontaire pour ces visites à domicile. Le médecin-dentiste peut ainsi examiner et traiter une trentaine de personnes en moyenne en une journée. Peer Boger, originaire du Danemark, dirige son propre cabinet avec sa femme ; cabinet dans lequel il avait travaillé comme médecin-dentiste assistant. Déjà à l’époque, il s’était engagé dans une unité mobile permettant d’effectuer des traitements dans les homes. « Tout était rudimentaire », raconte Peer Boger à propos de cette époque. Il a organisé toute la partie administrative lui-même, et a failli jeter l’éponge plus d’une fois. Mais les échanges avec d’autres personnes sur la même longueur d’ondes que lui l’ont incité à s’accrocher. « En parlant, nous avons appris comment chacun s’y prenait », explique Peer Boger. « L’université ne nous apprend pas comment gérer au mieux ces situations. Il faut avoir de l’expérience et savoir simplement observer. » Avec l’âge, l’hygiène bucco-dentaire se dégrade souvent. Par ailleurs, de nombreuses personnes âgées consomment des médicaments qui peuvent perturber la flore bactérienne. La sécheresse buccale ou des prothèses dentaires insuffisamment entretenues peuvent également mener à des complications. « Une grande partie des personnes vivant en institution ont une ou plusieurs lésions carieuses quelque part dans la bouche », explique Peer Boger. Son but premier est donc de préserver les fonctions de base de la denture. « Il faut faire en sorte que les gens n’aient pas mal et puissent encore mastiquer », explique-t-il en évoquant les principaux objectifs. Chez les patients atteints de démence en particulier, le traitement est souvent minimaliste. Les possibilités sont donc assez limitées. « Je ne fais pas de radiographies et je n’arrache pas de dents », précise Peer Boger. Si des traitements plus importants sont nécessaires, il envoie les personnes concernées au cabinet dentaire. De plus, les résidents sont souvent dans leur fauteuil ou dans leur lit lorsqu’il effectue les visites, ce qui, d’un point de vue ergonomique, compliquerait encore l’exécution d’un traitement plus complexe. Outre les visites régulières, Peer Boger et son équipe proposent des formations pour le personnel soignant et des fiches d’hygiène personnalisées pour les résidents. Ces dernières contiennent des instructions sur la manière dont les dents restantes ou les prothèses doivent être correctement nettoyées. « Plus le personnel est formé, meilleure est l’hygiène bucco-dentaire. » Le manque de structures suffisantes dédiées à la médecine dentaire gériatrique a motivé Peer Boger à se lancer dans cette voie il y a de nombreuses années. Aujourd’hui, il existe dans le canton de Schwyz, grâce à l’association Zahnpflege im Alter (soins bucco-dentaires chez les personnes âgées), un réseau composé de plusieurs médecins-dentistes ainsi que d’assistantes en prophylaxie qui s’engagent pour la prophylaxie et le traitement dans les établissements médico-sociaux. Cette approche globale permet non seulement de recruter de nouveaux médecins-dentistes, mais aussi de centraliser par exemple les appareils coûteux ou le secrétariat. Mais il ne s’agit pas là d’un travail rentable. « Nous ne gagnons pas d’argent », affirme Peer Boger. « Nous tenons également à ce que les gens restent le plus longtemps possible chez leur propre médecin-dentiste », souligne-t-il. Peer Boger et ses confrères interviennent uniquement là où il y a un besoin. Nous serions sans doute tous heureux d’être soignés dans notre environnement habituel ; tel est le fil rouge de leur action.