L’attitude de nombreux patients envers la santé est en train de changer. Le patient d’aujourd’hui est informé et critique, et il aspire à un mode de vie qui ne porte préjudice ni à sa santé ni à son environnement. Dans cet esprit, il remet aussi en question des produits quotidiens tels que le dentifrice. Il semblerait que le fluorure contenu dans presque tous les dentifrices courants divise de plus en plus.
Il est bien connu et de nombreuses études scientifiques l’ont prouvé : en contact direct avec les dents, le fluorure prévient la carie. Il rend en effet l’émail plus résistant aux attaques acides, car non seulement il en ralentit la décalcification provoquée par les bactéries de la plaque, mais il en favorise aussi la reminéralisation. Partant, la SSO recommande elle aussi l’utilisation de produits d’hygiène bucco-dentaires qui contiennent des fluorures en particulier, au quotidien, de dentifrices fluorés.
Ne pas confondre fluorure et fluor...
Malheureusement, les patients confondent souvent fluorure et fluor, un élément hautement réactif et toxique. Les fluorures sont des sels de fluor qui ne présentent pratiquement pas de danger à condition d’éviter le surdosage, ce qui n’est notamment pas exclu dans les pays où l’eau potable est très fluorée. En Suisse, l’eau potable n’est pas fluorée et une utilisation adéquate de produits d’hygiène bucco-dentaire fluorés ne peut pour ainsi dire pas provoquer d’empoisonnement au fluor vu la faible quantité de fluorure contenue. Il n’existe par ailleurs aucune preuve indiquant que les os, les dents ou la glande pinéale puissent subir des lésions durables du fait de l’utilisation de dentifrices fluorés.
Les patients critiques à l’égard du fluorure remettent l’effet positif de celui-ci en question et craignent de prétendus effets nocifs à long terme d’une ingestion non naturelle de cet anion. Il faut être très prudent lorsque l’on aborde le sujet du fluorure avec de tels patients, en particulier lorsque leurs craintes reposent en grande partie sur les informations qu’ils ont obtenues du « docteur Google ». Il n’est pas rare que celui qui ne les prend pas au sérieux ou tente de les convaincre de leur erreur avec véhémence parvienne au résultat inverse : ces patients perdent confiance en leur praticien et peuvent se sentir confortés dans l’opinion qu’ils se sont forgée.
Lorsqu’il constate qu’un patient utilise un dentifrice non fluoré, la meilleure approche pour le médecin-dentiste est de lui en demander les raisons pour pouvoir ensuite adapter ses conseils à la situation individuelle. Patient : « Je ne m’étais même pas rendu compte que mon dentifrice ne contient pas de fluorure et je ne savais pas que les dentifrices devraient en contenir – dans sa publicité, le fabricant du mien indique uniquement qu’il ne contient que des ingrédients naturels et bios. » Dans ce cas de figure, une brève explication suffit généralement. À noter que les magasins de produits diététiques proposent aussi des dentifrices bios, végétaliens et sans silicone qui contiennent du fluorure comme c’est notamment le cas de la marque « SANTE Naturkosmetik ».
Les patients qui suivent un traitement homéopathique doivent souvent éviter de consommer des produits contenant du menthol. L’assortiment de dentifrices fluorés sans menthol est toutefois relativement large pour permettre d’éviter des lacunes durant de tels traitements. Le patient peut par exemple utiliser « elmex® mentholfrei ».
Patient : « J’ai entendu dire que le fluorure n’est pas très bon pour la santé. » Informer ce patient lors d’un entretien approfondi peut permettre de dissiper les préjugés, malentendus et peurs de ce dernier. L’information doit être distillée avec empathie et en douceur.
Patient : « Le fluorure est un poison qui peut provoquer des lésions durables. Je fais tout pour l’éviter. » Il y a peu de chances qu’une discussion isolée permette de convaincre ce patient du contraire. Dans l’idéal, il faudrait aborder le sujet avec lui à plusieurs reprises et en faisant preuve de beaucoup de circonspection. Le médecin-dentiste doit en outre éviter de passer pour un missionnaire. Une bonne relation de confiance avec le patient et (selon le patient) une certaine dose d’humour peuvent aider à le débarrasser de ses préjugés.
Il est important que le médecin-dentiste effectue un travail d’information bien documenté. Il a acquis les connaissances nécessaires durant sa formation de base. Quant à la communication avec des patients critiques, outre le contenu, le médecin-dentiste doit accorder une attention particulière aux points ci-dessous.
Les médecins-dentistes peuvent eux aussi consulter le « docteur Google »
Très souvent, les patients critiques ont consulté les premiers sites mentionnés par Google en réponse à la question « Le fluorure est-il dangereux ? » Le médecin-dentiste qui veut éviter d’être surpris par des questions critiques doit se préparer. Il lui est utile de connaître les peurs, les incertitudes et les théories du complot véhiculées sur la Toile et qui préoccupent les anti-fluor. Cela a un effet désarmant.
Message : « Je comprends que certaines informations trouvées sur le Web vous inquiètent. La bonne nouvelle, pour commencer, c’est que le fluorure n’est pas dangereux. Les fluorures sont des sels de l’acide fluorhydrique. Ces sels ne doivent pas être confondus avec le fluor élémentaire qui est un gaz hautement toxique. Utilisés correctement, les produits d’hygiène bucco-dentaire fluorés ne sont pas toxiques. »
Prendre le patient au sérieux
Le praticien est parfois confronté à des affirmations qui n’ont aucun fondement scientifique. En tant que professionnel, il doit néanmoins prendre le patient au sérieux, même s’il n’arrive pas à comprendre les craintes de ce dernier. Le patient qui ne se sent pas pris au sérieux perd toute confiance, ce qui rend toute communication avec lui très difficile.
Message : « C’est bien que vous me parliez des possibles effets à long terme du fluorure. Dans les faits, le fluorure fait partie des substances les plus étudiées au monde. Les fluorures sont utilisés pour la prophylaxie de la carie dentaire depuis le milieu du 20e siècle. Chez les écoliers suisses, l’incidence de la carie chez a diminué de 90% depuis les années 60 et ce résultat spectaculaire est principalement dû à l’utilisation de fluorures. »
Informations objectives
Pour que le patient puisse les comprendre, il faut lui expliquer les faits scientifiquement fondés de manière adaptée. Les esprits critiques apprécient qu’on leur explique les sujets complexes de manière précise. Ils ne se laissent abuser ni par les formules toutes faites ni par les généralités. Ils ne se contentent jamais de formulations du type « Vous pouvez me croire sur parole » ou « Il est évident que le fluorure contenu dans le dentifrice est bon pour les dents et que vous devez en utiliser. »
Laisser le choix au patient
Le rôle du médecin-dentiste est de conseiller le patient dans son choix d’un dentifrice: il peut l’informer des avantages et inconvénients de divers produits et de leurs ingrédients et l’aider à s’y retrouver dans la jungle opaque des produits d’hygiène bucco-dentaires. Mais choisir un produit, l’acheter et l’utiliser relève de la seule responsabilité du patient. Le patient critique apprécie en général tout particulièrement que cela soit précisé clairement lors de la discussion. Il déteste avoir l’impression de se faire imposer un produit.
Message : « Pour les raisons que je viens d’invoquer, je ne peux que vous recommander d’utiliser un dentifrice fluoré, mais il va de soi que cette décision vous appartient. »
Par une approche respectueuse fondée sur une solide relation de confiance avec son patient, le médecin-dentiste peut fortement encourager l’utilisation d’un dentifrice fluoré. En fin de compte, c’est toujours le patient qui choisira le tube de dentifrice qui aura sa place dans son armoire de toilette.